Carlotta Grisi

Caroline-Adèle-Marie-Joséphine Grisi, dite Carlotta Grisi est née à Visinda (Tyrol) le 25 juillet 1819, et décédée à Saint-Jean (près de Genève) le 20 mai 1889.

Carlotta Grisi s’est orientée très jeune vers une carrière théâtrale, peut-être influencée par les succès de ses cousines Giulia et Giuditta Grisi, cantatrices renommées. Si Carlotta chante bien elle aussi, c’est dans la danse qu’elle excelle : à dix ans, elle danse dans le choeur d’enfants de la Scala de Milan, et dès 15 ans, guidée par son impresario Lanari, elle commence des tournées dans toute l’Italie. En 1835-1836, Jules Perrot, ancien directeur de l’Opéra de Paris, remarque son talent et en tombe amoureux : il lui offre alors de danser sur la scène du Her Majesty’s Theatre, à Londres. Si Carlotta et Perrot se déplacent ensemble, rien n’indique qu’ils aient été mariés. Jusqu’en 1838, le couple parcourt l’Europe, rencontrant à Vienne l’ancienne rivale de Carlotta, Fanny Cerrito. Mais c’est à Paris que Carlotta et Perrot veulent faire impression : l’opportunité se présente lorsque, en 1840, l’Académie Royale de Musique et de Danse a besoin d’une nouvelle grande ballerine. Perrot fait alors danser Carlotta sur la scène du Théâtre de la Renaissance, afin de la faire connaître au public parisien. Gautier la voit dans ce ballet, et paraît peu convaincu par son talent : « Elle sait danser, ce qui est rare ; elle a du feu mais pas d’originalité » note-t-il dans son feuilleton du 2 mars 1840. Le directeur de l’Académie n’est pas facile à convaincre, et c’est seulement après plusieurs mois de négociations que Carlotta intègre l’Opéra, en décembre 1840.

En février 1841, pour ses premiers pas à l’Opéra, Carlotta danse l’intermède de La Favorite : alors, Gautier est conquis et la place au rang des grandes danseuses telles Fanny Elssler et la Taglioni. En mars de la même année, Gautier entreprend l’écriture de Giselle, dont le succès le 28 juin 1840 assure définitivement la situation de Carlotta à l’Opéra ; elle se fait alors appeler Madame Perrot. Gautier est déjà amoureux d’elle, et il semble qu’un séjour à Londres, en 1842 (pour la première de Giselle), ait permis à Gautier et Carlotta de vivre leur passion, malgré la présence de Perrot. Celui-ci reste d’ailleurs en Angleterre, tandis que Carlotta rentre à Paris, et finit par quitter l’appartement de Perrot pour regagner la demeure maternelle, où elle retrouve également sa soeur Ernesta. Peu après, les journaux évoquent un projet de mariage de Carlotta avec son partenaire Petipa ; Carlotta se fait à nouveau appeler par son nom de jeune fille. A ce moment, Gautier fréquente assidûment le foyer de l’Opéra, et ses entrevues avec Carlotta sont fréquentes mais clandestines.
Au début de l’année 1843, Carlotta soutient le début de carrière de sa jeune soeur Ernesta et renonce à danser au Her Majesty’s Theatre, où Perrot est resté maître de ballet. De son côté, Gautier essaie, avec La Péri, de réitérer le succès de Giselle, mais n’y parvient pas tout à fait. Néanmoins, Carlotta y excelle, mais l’apologie des moeurs orientales soulève la controverse. A ce moment, elle essaie de se libérer un peu des contraintes de son Art, mais perd plusieurs appuis. C’est seule qu’elle part à Londres danser La Péri fin 1843 : quand Gautier l’y rejoint, en novembre, son attachement pour elle a considérablement faibli, car il a reporté sa passion sur la cadette de Carlotta, Ernesta. En 1844, Carlotta retrouve Perrot à Londres, et leur liaison reprend, donnant même lieu à une grossesse qui oblige la danseuse à arrêter son activité pour quelques mois. En 1845, elle retourne en Italie, qu’elle n’avait pas revue depuis le milieu des années 1830 ; mais sa tournée à Rome se passe mal. A ce moment, elle perd le procès que lui a intenté la même année l’Opéra de Paris au sujet de ses cachets trop élevés. Gautier continue néanmoins à faire l’éloge du talent de Carlotta dans ses feuilletons, et deux voyages à Londres avec Ernesta, en 1845 et 1846, lui donnent l’occasion de revoir son ancienne maîtresse.

En 1849, l’engagement de Carlotta à l’Opéra de Paris n’est pas renouvelé, car la salle doit fermer temporairement. Avant de gagner Saint-Pétersbourg, Perrot offre à la danseuse son dernier succès parisien, dans La Filleule des Fées (première le 8 octobre 1849). En 1850, après s’être produite une dernière fois à Londres (Les Métamorphoses, 12 mars), elle rejoint Perrot à Saint-Pétersbourg. Elle y danse durant trois saisons, entrecoupées de séjours à Paris durant l’été. Gautier soutient sa tentative de réintégrer l’Opéra de Paris en 1853, en vain. En 1854, c’est à Varsovie que Carlotta rencontre le succès. Puis, brusquement, peut-être à l’instigation du Prince Léon Radziwill rencontré à Paris 4 ans plus tôt, elle décide de renoncer à la danse, et se retire à la Villa Saint-Jean (Genève) en 1856, où elle mène une vie rangée. Durant cinq ans, elle y élève Léontine, la fille qu’elle a eue avec le prince Radziwill (et que pendant un temps, la famille appelle Ernestine), et sa petite-fille Rose Perrot, la fille de Marie-Julie Perrot (l’enfant que Carlotta a eu avec Jules Perrot). Gautier lui rend visite là-bas, en 1861, au retour de son voyage en Russie (voyage pendant lequel la famille de Gautier avait séjourné chez Carlotta). Carlotta songe un moment à revenir s’établir à Paris, puis y renonce. Toutefois, elle a renoué l’amitié avec Gautier : tous deux échangent de longues lettres, et l’auteur lui rend visite une fois par an à Saint-Jean : à cette occasion, la maison de Carlotta accueille une foule d’admirateurs de Gautier, et l’auteur profite aussi de ces séjours pour faire de nombreuses visites aux écrivains et artistes genevois. Dès 1866, Gautier lui adresse aussi une correspondance clandestine : la rupture avec Ernesta, en raison des désaccords concernant le mariage de leur fille Judith avec Catulle Mendès, laisse à Gautier tout le loisir de renouer avec son ancienne maîtresse, même si l’un comme l’autre font tout leur possible pour que leurs relations n’aient l’apparence que de liens familiaux étroits. C’est dans ce contexte que Gautier entreprend la rédaction de Spirite, en 1865. Carlotta est alors pour Gautier une tendre amie, auquel elle apporte soutien et réconfort vis-à-vis des tensions familiales, mais aussi dans les dernières années de sa vie.

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lire quelques lettres de Gautier à Carlotta

(Source : Théophile Gautier, Correspondance générale, éd. Claudine Lacoste-Veysseyre, Genève-Paris, Droz, tome 1, 1985, tome 2, 1986 et tome 9, 1995)


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